mardi 30 décembre 2014

Revue des décisions 2014 du cabinet / Faute inexcusable de l'employeur : doigts écrasés lors d'une manutention par un salarié dont ce n'est pas le métier, et qui n'a reçu ni formation ni matériel adapté

Un agent de conduite de la société CURMA se voit demander, avec deux de ses collègues, de transporter les 28 centrales de filtration d'air de l'usine, qui devaient être remplacées.

Tandis qu'ils étaient occupés à descendre l'une d'elles, pesant environ 100kg, par un escalier, elle leur échappait. Notre client essayait de la retenir, et deux de ses doigts étaient écrasés entre la machine et la bordure d'une marche.

Son taux d'incapacité était fixé à 11 %, pour « séquelles d'un traumatisme des 3ème et 4ème doigts de la main droite consistant en douleurs et raideur chez un droitier ».

Il a fait valoir que cet accident avait pour cause la faute inexcusable de son employeur.

Plaidant devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY, nous avons soulevé que le travail de manutention demandé à ce salarié n'entrait pas dans ses fonctions d'agent de conduite. De ce fait, son employeur devait être particulièrement vigilant sur les conditions dans lesquelles elle il leur demander de travailler, et leur sécurité.

Tel n'a malheureusement pas été le cas, puisque la société CURMA n'a donné aucune instruction ou information particulière aux salariés, et n'a pas évalué les risques encourus.

Aucun matériel adapté, qu'il s'agisse d'une aide mécanique ou d'accessoires de préhension, n'a été mis à leur disposition.

En leur donnant pour instruction de manipuler des centrales de filtration d'air, lourdes machines qui n'étaient équipées d'aucune poignée, et d'emprunter pour ce faire les escaliers de l'usine, la société CURMA a fait courir à ses salariés un risque, à l'origine de l'accident du travail.


Par jugement du 29 avril 2014, le Tribunal a reconnu la faute inexcusable de l'employeur, reprenant entièrement notre argumentation.

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Revue des décisions 2014 du cabinet / Faute inexcusable de l'employeur : Projection d'un fragment de métal dans l'œil d'un salarié, qui n'a reçu ni protection ni formation

Sur un chantier, un manœuvre a reçu pour instruction de dessouder les deux extrémités d'une rampe d'escalier, puis de la remonter.

En frappant une cheville métallique avec un marteau, un morceau de métal s'est détaché et a pénétré son œil gauche.

Après un long arrêt de travail, son taux d'incapacité était fixé à 30 %, pour une baisse très importante de l'acuité visuelle de l'œil gauche après lésion par corps étranger.

Il a soulevé la faute inexcusable de l'employeur.

Devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS, nous avons fait valoir que l'employeur n'avait jamais prodigué aucune formation à ce manœuvre, et ne lui avait donné aucun équipement de protection individuelle, pourtant obligatoire pour des travaux de soudure et d'installation de rampes métalliques l'exposant à des risques de projections de particules ou morceaux métalliques au niveau du visage.

Par jugement du 8 avril 2014, le Tribunal nous a donné gain de cause :

« la société BMS METAL ne pouvait ignorer le risque de projection de particules ou morceaux métalliques au niveau du visage et aurait dû fournir à Monsieur B. un système de protection pour son visage lors de la réalisation de soudure et d'installation de rampes métalliques.

Faute de l'avoir fait et d'avoir mis en place des dispositifs de prévention des risques en la matière, elle a exposé Monsieur B. a un risque particulier pour sa santé et sa sécurité et n'a pas mis en place les mesures visant à prévenir la survenue de l'accident.

Dans ces conditions, Monsieur B. démontre que son employeur est l'auteur d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident survenu le 20 juillet 2011. »

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Revue des décisions 2014 du cabinet / Ne pas envoyer une prolongation de son arrêt maladie ne justifie pas un licenciement pour abandon de poste

Un ouvrier part en congés dans son pays d'origine, le Mali.

Durant son séjour, il est malheureusement contaminé par le paludisme et la fièvre typhoïde.

Depuis le Mali, il adresse son arrêt maladie à son employeur par DHL.

En revanche, s'agissant de la prolongation de cet arrêt maladie, il demande à son médecin de la faxer à son employeur. Il téléphone ensuite pour s'assurer que le fax a été reçu, et comme c'est le cas, il fait l'erreur de ne pas garder l'accusé de réception.

Durant son absence, son employeur, qui le sait au Mali, le met en demeure de justifier de son absence, en lui écrivant à son adresse en France.

Il le licencie ensuite pour faute grave (absence injustifiée).

Devant la Cour d'Appel de Paris, nous avons fait valoir la jurisprudence de la Cour de Cassation, qui considère que dès lors que l'employeur est informé de l'arrêt de travail initial, la seule absence de justification d'une prolongation, même à la demande de l'employeur, ne constitue pas une faute grave (Cass. Soc. 23 mai 2013, pourvoi n°12-15209).

En l'espèce, la société ANTUNES ne contestait pas avoir été rendue destinataire, depuis le Mali, du certificat médical d'arrêt de travail initial. Elle savait que le salarié était atteint de deux maladies très graves.

L'absence de justification de la prolongation de cet arrêt ne pouvait pas constituer une faute grave.

Par un arrêt du 27 mai 2014, la Cour d'Appel de Paris nous a donné gain de cause, en retenant :
    - qu'il appartient à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié ;

    - que l'employeur était parfaitement au courant de la raison médicale très sérieuse de l'absence du salarié ;

    - que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, étant rappelé que le salarié présenté une ancienneté de six années et n'avait jamais été l'objet d'aucune remarque défavorable depuis son embauche,

    - qu'il apporte des explications cohérentes pour expliquer son absence à la suite de graves maladies contractées pendant ses congés payés légaux.
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Revue des décisions 2014 du cabinet / Licenciement pour inaptitude : l'employeur doit prouver une recherche exhaustive au sein du groupe auquel il appartient

Souffrant d'une maladie professionnelle (un asthme) un plombier a airé déclaré par le médecin du travail inapte à son poste. Il pourrait exercer un travail n'exposant pas aux vapeurs d'enrobés et en dehors de tout milieu empoussiéré.

Bien que faisant partie d'un groupe d'envergure nationale, son employeur, la société SCHVAB, ne lui proposait aucun poste de reclassement, et le licenciait pour inaptitude.

Ce client est venu nous consulter au stade de l'appel, après avoir été débouté de ses demandes par le Conseil de Prud'hommes.

Devant la Cour d'Appel de Versailles, notre travail s'est attaché à étudier la recherche de reclassement de l'employeur, pour démontrer à quel point elle présentait des lacunes.

Comme c'est souvent le cas dans cette matière, la société SCHVAB produisait en effet un e-mail collectif envoyé à de très nombreuses sociétés du groupe. En détaillant ce volumineux e-mail, et les réponses qui lui ont été apportées, on découvrait que plusieurs filiales n'avaient pas été contactées.

Qui plus est, la société SCHVAB fait partie du groupe FIRALP, qui employait à l'époque 2500 salariés, pour un chiffre d'affaire de 290 millions d'euros. En prenant le temps de lire les registres du personnel de toutes les filiales, nous découvrions de nombreux poste qui auraient pu être proposés à notre client.

Allant dans ce sens, la Cour d'Appel de Versailles, par un arrêt du 13 novembre 2014, jugeait que le licenciement n'avait pas de cause réelle et sérieuse :

« Il faut rappeler en premier lieu que le groupe FIRALP auquel appartient la SAS Schvab comprenait au moment de la recherche de classement de M. Driss L. 2400 personnes, ainsi que le mentionne la plaquette datée du 4 août 2011 produite par la société qu’elle avait enregistré en 2010 un chiffre d’affaires de 310 millions d’euros et était alors constituée de 17 filiales.

La société Chazal, spécialisée dans les espaces verts, y est expressément mentionnée avec ses coordonnées précises au titre de ces 17 filiales. La revue « FIRALP Info » éditée en octobre 2011 et produite par le salarié (sa pièce 23) mentionne l’arrivée de 16 nouveaux embauchés, dont un ouvrier paysagiste au sein de la société Chazal. La consultation du site internet de cette société confirme qu’elle en fait partie encore aujourd’hui. La SAS Schvab ne peut donc venir soutenir qu’il ne s’agissait que d’un partenaire de la société FIRALP, sans en justifier de façon certaine. En effet, le procès-verbal des décisions de l’associée unique de la société Chazal, la société CAP VERT SAS, produit au débat, daté du 23 avril 2008, est très antérieur à la période du licenciement de M. L., rien ne démontrant qu’en 2011, cette société se trouvait encore être seule détentrice des actions de la société Chazal.

Par ailleurs, s’il ne peut être contesté que la SAS Schvab a adressé un courriel très précis de recherche de reclassement à la plupart des sociétés et agences du groupe FIRALP dont elle fait partie, il s’avère cependant qu’elle ne s’explique pas sur l’absence d’envoi de ce message aux sociétés CSE, BARDIN et RVS, filiales du groupe, qui pourtant traitent de réseaux humides comme elle.

Enfin, même si certains postes ne sont pas adaptés aux compétences du salarié (électricien, ou aide-électricien, chef d’équipe, magasinier, mécanicien, agent technique), le registre du personnel de la société Sobeca mentionne l’embauche en intérim le 7 novembre 2011 d’un agent d’entretien et de gardiennage par l’établissement de Bordeaux et celle, en intérim également, d’un coursier laveur à l’établissement d’Anse Mécanique le 30 janvier 2012. La SAS Schvab ne démontre pas en quoi ces deux postes n’auraient pas pu être proposés à M. Driss L..

Faute par la SAS Schvab d’avoir complètement rempli son obligation de reclassement à l’égard du salarié inapte, le licenciement pour inaptitude de M. Driss L. apparaît ainsi dénué de cause réelle et sérieuse. »


Il y a lieu de saluer le fait que la Cour d'Appel de Versailles ait pris la peine de consulter le site Internet de la société pour vérifier par elle-même certains dires de l'employeur, et constater qu'ils n'étaient pas exacts.

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lundi 29 décembre 2014

Revue des décisions 2014 du cabinet / Un salarié qui refuse le reclassement qui lui est proposé ne peut pas être licencié pour abandon de poste


Au bout de 17 ans de travail au société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE, une repasseuse présente une maladie professionnelle (limitation des mouvements de l'épaule droite).

Le médecin du travail la déclare inapte à son poste de repasseuse, mais apte à tout autre poste dans l'entreprise, sans utilisation du bras droit et de la main droite de façon répétée et prolongée.

Son employeur lui propose successivement deux postes de reclassement, que la salariée refuse, car ils ne sont pas conformes aux préconisations du médecin du travail.

Au lieu d'envisager un licenciement pour inaptitude, la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE choisit de licencier cette fidèle salariée pour faute grave (abandon de poste) !!

Ainsi, non content de la licencier, il la prive de l'ensemble des indemnités légales auxquelles elle a droit (étant rappelé qu'elle a 17 ans d'ancienneté dans l'entreprise).

Devant la Cour d'Appel de PARIS, nous avons rappelé la jurisprudence de la Cour de Cassation : « ne peut constituer en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement le refus par le salarié du poste de reclassement proposé par l'employeur en application de l'article L. 1226-2 du code du travail lorsque la proposition de reclassement emporte modification du contrat de travail ou des conditions de travail ; qu'il appartient à l'employeur de tirer les conséquences du refus du salarié soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement de l'intéressé aux motifs de l'inaptitude et de l'impossibilité du reclassement » (Cass. Soc. 19 juin 2013, pourvoi n°12-12018).

Et surtout : « une faute grave ne peut se déduire du seul refus par un salarié du poste de reclassement proposé par l'employeur, et ce, même si ce reclassement n'entraîne aucune modification des conditions de travail » (Cass. Soc. 20 janvier 2010, pourvoi n°08-45017).

Suivant cette jurisprudence, la Cour d'Appel a donné gain de cause à notre cliente :

« Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la salariée est licenciée pour abandon de poste que l'employeur assimile à une faute grave au motif qu'elle a refusé d'occuper le poste qu'il avait spécialement défini en fonction de son handicap ;

Or, c'est abusivement que l'employeur fait grief à la salariée de refuser le poste proposé alors qu'il ne justifie pas que le médecin du travail avait déclaré ce poste compatible avec les capacités de la salariée ; En tout état de cause le refus du salarié d'occuper le poste qu'il considère inadapté à son handicap et aux préconisations de la médecine du travail n'est pas constitutif d'une faute grave de sorte que le licenciement fondé sur ce seul grief est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'il n'est pas établi par la SA SIMONE TEINTURERIE DE LUXE que devant le refus de la salariée il avait consulté le médecin du travail et que son avis avait été conforme aux restrictions de l'avais d'inaptitude ;

Outre le fait que le licenciement de Madame Djeida X... se trouve en conséquence de ce qui précède dépourvu de cause réelle et sérieuse, il est illicite faute par la SA SIMONE TEINTURERIE DE LUXE de justifier avoir consulté les délégués du personnel sur les postes de reclassement proposés et avoir recueilli leur avis en conformité avec l'obligation résultant de l'article L. 1226-10 du Code du Travail ».

Revue des décisions 2014 du cabinet / Licenciement pour inaptitude : recherche de reclassement fictive et non-respect de l'obligation de consulter les délégués du personnel

Suite à un accident du travail, une hôtesse caissière pour la société CARRE DES CHAMPS ELYSEES (restaurant Ledoyen) est déclarée inapte définitivement à son travail.

Elle est licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Devant le Conseil de Prud’hommes de PARIS, nous faisions notamment valoir :


1/ En application des articles L.1226-10 et du L.1226-12 du Code du Travail l'employeur était tenu de lui proposer un autre emploi aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

La Cour de Cassation considère qu’il appartient à l’employeur qui licencie un salarié pour inaptitude à son poste de travail de prouver l’impossibilité de reclassement, y compris au sein du groupe auquel l'entreprise appartient.

Le Conseil de Prud'hommes a jugé à juste titre que l'employeur ne démontrait pas que les postes proposés à la salariée étaient conformes aux préconisations du médecin du travail, ni même qu'elle les avait proposés effectivement.


2/ L’employeur a l’obligation de prendre avis auprès des délégués du personnel sur les possibilités de reclassement du salarié.

Or la société CARRÉ DES CHAMPS-ÉLYSÉES produisait un procès-verbal de consultation des délégués du personnel rédigé en ces termes :

« 1. Reclassement de Mme B. :
Les membres des R.P ont pris connaissance du dossier ».

Reprenant notre argumentaire, le Conseil de Prud'hommes a jugé que «  le procès-verbal de cette réunion laisse apparaître qu'aucun avis n'a été rendu puisqu'au paragraphe : reclassement de Mme B. figures seulement la phrase suivante : « les membres des RP ont pris connaissance du dossier », sans autre précision (…). C'est donc à juste titre que Madame B. soutient que son licenciement est intervenu en méconnaissance de la formalité substantielle que constitue la consultation des délégués du personnel, ce qui lui ouvre droit à l'indemnité prévue à l'article L.1226-15 alinéa 3 du code du travail ».

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Revue des décisions 2014 du cabinet / L'accident survenu à la cantine de l'entreprise est un accident du travail

Un maçon travaillant sur le chantier du tramway chute et se cogne la tête dans le lieu de restauration collective où les ouvriers sont transportés pour prendre leur repas.

La CPAM lui signifie un refus de prise en charge de l'accident, au motif qu'il n'existerait pas de preuves que cet accident se soit produit par le fait ou à l'occasion du travail.

Par jugement du 25 mars 2014, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS nous a donné gain de cause, en soulignant que :

« les salariés restent, dans certaines hypothèses, sous la subordination de leur employeur au moment des repas ;

Monsieur R. ne pouvait pas deviner que ce point était susceptible de poser problème. Dès lors, il n'est pas normal que la CPAM ait rejeté la demande de prise en charge sans avoir pris la peine de vérifier si l'on n'était pas dans l'une de ces hypothèses ».

Ce faisant, le Tribunal est dans la ligne de la jurisprudence classique de la Cour de Cassation considère que la cantine, ou le lieu habituel de prise des repas est assimilable au lieu de travail (Cass. Soc. 11 juin 1970, pourvoi n°69-12567).

Il suffit pour cela que l’accident se soit produit dans une dépendance de l’entreprise où l’employeur continue à exercer ses pouvoirs d’organisation, de direction et de contrôle, de sorte que le salarié se trouve toujours sous son autorité (Cass. Soc. 30 novembre 1995, pourvoi n° 93-14208).

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