jeudi 29 janvier 2015

Faute inexcusable de l'employeur : Nouvelles précisions sur les contours de l'indemnisation des victimes

La Cour de Cassation poursuit son travail de précision sur les modalités d'indemnisation des victimes d'une faute inexcusable de l'employeur, au travers de trois décisions récentes :


1/ La rechute de l'accident du travail initial doit faire l'objet d'une indemnisation

La Cour d'Appel de Paris avait déclaré une victime irrecevable à réclamer à la fois l'indemnisation du préjudice de l'accident du travail initial et celui d'une rechute de cet accident.

Cela était particulièrement dommageable puisque cette rechute correspondait à une réelle aggravation des séquelles de l'accident, mal évaluées initialement par les médecins.

Par un arrêt tout récent du 22 janvier 2015, dont nous avons la fierté de dire qu'il s'agit d'un de nos dossiers, la Cour de Cassation a jugé que :

« qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, l'indemnisation complémentaire à laquelle la victime a droit, s'étend aux conséquences d'une rechute de l'accident du travail initial ».




2/ Les frais d'assistance par un médecin lors de l'expertise sont d'un poste de préjudice à part entière

Lors de l'expertise médicale, il est absolument indispensable pour une victime d'être assistée par un médecin conseil spécialisé, qui pourra défendre au mieux son dossier.

Jusqu'à présent, ces frais d'assistance étaient globalisés par les juridictions dans le remboursement alloué au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Compte tenu des (souvent) faibles montants alloués, la victime gardait de fait à sa charge une partie de ces frais.

Par un arrêt du 18 décembre 2014, la Cour de Cassation a jugé que les frais d'assistance par un médecin lors des opérations d'expertise, « qui sont la conséquence directe de l'accident du travail, ne figure pas parmi les chefs de préjudice expressément couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale, ce dont il résulte qu'ils ouvrent droit à indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de l'employeur ».


Comme il y a lieu de le faire en droit commun, il est désormais de la responsabilité des avocats spécialisés de former une demande spécifique d'indemnisation pour ces frais, dont il y a tout lieu de penser qu'ils seront dorénavant intégralement remboursés.



3/ La perte de droits à la retraite ne donne pas droit à indemnisation

Depuis un arrêt du 17 mai 2006, la Cour de Cassation estime que «  lorsqu’un salarié a été licencié en raison d’une inaptitude consécutive à une maladie professionnelle qui a été jugée imputable à une faute inexcusable de l’employeur, il a droit à une indemnité réparant la perte de l’emploi due à cette faute de l’employeur ».

Elle avait eu l'occasion de rappeler que dans ce cadre, le préjudice spécifique résultant d'une perte sur les droits à la retraite, consécutif au licenciement, doit être pris en compte (Cass. Soc. 26 octobre 2011, pourvoi n°10-20991).

Or, par un arrêt du 9 janvier 2015, la chambre mixte de la Cour de Cassation, réunissant, la deuxième chambre civile, la chambre sociale, et la chambre criminelle, a jugé que :

« Mais attendu que si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation de chefs de préjudice autres que ceux énumérés par le texte précité, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;



Et attendu que la perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude, est couverte, de manière forfaitaire, par la rente majorée qui présente un caractère viager et répare notamment les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente partielle subsistant au jour de la consolidation ;

Que la cour d'appel a donc décidé à bon droit que la perte subie par M. X... se trouvait déjà indemnisée par application des dispositions du livre IV, de sorte qu'elle ne pouvait donner lieu à une réparation distincte sur le fondement de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; »



Il semble malheureusement que cette jurisprudence marque un recul pour l'indemnisation des victimes de la faute inexcusable de l'employeur.


À ce jour, il semble donc que seul le licenciement pour inaptitude résultant de l'accident ou de la maladie professionnelle donne droit à une indemnisation spécifique.