jeudi 29 octobre 2015

Revue des décisions de 2015 du cabinet / Faute inexcusable de l'employeur  : Le bras d'une salariée d'un restaurant Flunch écrasé par la porte défectueuse d'une machine

Le bras d'une salarié d'un restaurant FLUNCH est écrasé par la lourde porte d'un lave-vaisselle professionnel, alors qu'elle voulait le faire démarrer.

L'employeur savait que ce lave-vaisselle était défectueux  : un des ressorts soutenant la porte centrale (pesant 15kg) était cassé, si bien qu'elle ne pouvait plus rester en position ouverte.

Cette salariée, qui a perdu l'usage de son bras, s'est vue fixer un taux d'incapacité de 60%.

Elle a soulevé la faute inexcusable de l'employeur.

Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale l'a sèchement débouté de sa demande, prenant pour argent comptant les arguments de l'employeur, qui soupçonnait que la salariée aurait fait exprès d'avoir cet accident, et prétendait avoir affiché dans la cuisine du restaurant la consigne de se mettre à deux pour manipuler la porte du lave-vaisselle.

Elle a saisi notre cabinet pour la défendre en cause d'appel.

Nous avons fait valoir que l'employeur, qui avait demandé une réparation de la porte défectueuse, ne pouvait pas prétendre avoir ignoré le risque auquel était exposé la salariée.

Surtout, nous avons détaillé les mesures de sécurité prétendument prises par ce restaurant.

Il s'est avéré que cet employeur était incapable de montrer l'affichage de sécurité qu'il disait avoir mis dans la cuisine, ni même de dire précisément quelles consignes il avait données.

Or la Cour de Cassation considère qu'apposer des panonceaux de sécurité ou d'interdiction n'est pas en soi une mesure suffisante pour garantir la sécurité des salariés (Cass. Civ. 2ème, 9 décembre 2010, pourvoi n°10-10805).

Mieux encore, photos à l'appui, nous avons expliqué que s'agissant d'une porte de 15 kg, de surface lisse et non munie de poignée, on ne pouvait se contenter de dire aux salariés de la manipuler à deux  : s'agissait-il qu'un salarié la soulève et la garde ouverte pendant que l'autre décoincerait les paniers et couverts  ? Dans ce cas, il aurait été à la merci d'une maladresse de la personne soulevant la porte qui, faute de poignée, aurait pu lui échapper, ou glisser.


Rien ne disait que la prétendue consigne donnée par l'employeur aurait pu protéger ces deux salariés d'un risque d'accident.

Par arrêt du 28 septembre 2015, la Cour d'Appel de METZ a reconnu la faute inexcusable de l'employeur était caractérisée, soulignant notamment  :

«  Malgré l'urgence pour la sécurité des personnes que nécessitait cette réparation, l'employeur n'a pas tout mis en œuvre pour la réalisation d'une intervention efficace à bref délai qui lui aurait permis de mettre ponctuellement le lave-vaisselle à l'arrêt, les consignes données de soutenir la porte à deux personnes n'étant de toute manière pas de nature à empêcher tout accident.  »



La Cour a ordonné une expertise médicale pour évaluer le préjudice subi, et d'ores et déjà alloué à la victime une avance sur son indemnisation, à hauteur de 20 000 €.

Pour demander une copie
de cette décision, cliquer ici.


vendredi 21 août 2015

Faute inexcusable de l'employeur : en cas d'aggravation de son état, la victime peut demander une indemnité complémentaire

Par deux arrêts du 10 décembre 2009, la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation rappelait que la victime d'un dommage imputable à la faute inexcusable de son employeur (ou de ses ayants droits en cas de décès) sont recevables à exercer une nouvelle action en réparation du préjudice résultant de l'aggravation de l'état de la victime, dès lors qu'il n'a pas déjà été statué sur la réparation de ce préjudice complémentaire qui n'était pas inclus dans la demande initiale (Cass. Civ. 2ème, 10 décembre 2009, pourvoi n° 08-21094 et 08-15-914).

La victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle résultant d'une faute inexcusable de l'employeur est donc recevable, en cas d'aggravation de son préjudice après première indemnisation, à engager une nouvelle action en réparation de son préjudice complémentaire.

Plus récemment, le 7 mai 2015, la Cour de Cassation a confirmé cettejurisprudence dans les mêmes termes (Cass. Civ. 2ème, 7 mai 2015, pourvoi n°14-15246).

Il s'agissait en l'espèce, d'une victime dont le taux d'incapacité avait été porté de 35% à 50%, suite à une rechute prise en charge par la CPAM, ce qui constituait à l'évidence une aggravation.

Notons enfin que si ces décisions ont été rendues en matière d'amiante, tout indique qu'elles ont vocation à s'appliquer à toutes les victimes, quels que soient les pathologies dont elles souffrent.


Et si l'employeur a entretemps disparu ? Peu importe : l'organisme de sécurité sociale fera l'avance de toutes les sommes dues à la victime, à charge pour lui de se retourner contre l’employeur, s'il existe encore.

Petit guide de la faute inexcusable de l'employeur, à l'usage des victimes (actualisation septembre 2015)

I - Définition actuelle de la faute inexcusable de l'employeur

Ce que doit établir la victime :

Le régime de la faute inexcusable de l'employeur est fixé par les articles L452-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale.

Sa définition actuelle résulte d'arrêts rendus le du 28 février 2002 en matière de maladie professionnelle dues à l'amiante (notamment n°00-10.051, 99-21.555, 99-17.201, et 99-17.221) : 

« En vertu du contrat de travail, l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par l’intéressé du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise. Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. » 

Par la suite, cette jurisprudence a été étendue aux accidents du travail.

Pour que la faute inexcusable de l'employeur soit reconnue par les juridictions de sécurité sociale, il appartient à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle de démontrer :

- que son employeur avait, ou aurait dû avoir connaissance du danger auquel il était exposé ;

- qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Une fois cette preuve apportée, la responsabilité de l'employeur est établie, ce dernier étant tenu, en exécution du contrat de travail, d'une obligation de sécurité de résultat.

La connaissance du danger par l'employeur peut notamment résulter de la violation des règles de sécurité mises à sa charge par le Code du Travail, mais aussi du signalement qui lui aura été fait préalablement à l'accident par la victime elle-même, ou un membre du comité hygiène, sécurité et conditions de travail (art. L. 4131-4 du Code du Travail).

Incidence de la faute de la victime :

Par un arrêt du 24 juin 2005, l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation a confirmé sa définition de la faute inexcusable, en ajoutant : 

« Qu’il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes ont concouru au dommage. ».

Dans ces conditions, il importe peu que plusieurs fautes (celle de la victime, mais aussi celle d'un tiers) aient concouru au dommage : la faute inexcusable de l'employeur est reconnue dès lors que sa faute a été une cause nécessaire de l'accident ou de la maladie. 

Autrement dit, il suffit que la faute de l'employeur ait contribué à la réalisation du risque, même sans en être la cause prépondérante, pour que sa responsabilité est encourue.

Seule la faute inexcusable du salarié peut exonérer l'employeur de sa responsabilité. Elle est définie par un arrêt du 27 janvier 2004 comme « la faute volontaire du salarié, d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ».


II - La procédure visant à reconnaître la faute inexcusable de l'employeur

La caisse de sécurité sociale dont dépend la victime est saisie par lettre recommandée avec accusé de réception.

Il est important de noter que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est soumise à la prescription de deux ans prévu à l’article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale.

Ce délai commence à courir à compter :

- pour les accidents du travail, du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;

- pour les maladies professionnelles, de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l'avis émis par l'expert ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière allouée en raison de la rechute ;

étant précisé que ce délai est interrompu par l'exercice de l'action pénale ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.

Après une tentative infructueuse de conciliation, la caisse invite la victime à saisir le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale compétent. 


III – Indemnisation complémentaire de la victime

Lorsque la faute inexcusable de l'employeur est reconnue la victime obtient, outre les prestations auxquelles elle avait déjà droit en application du Code de la Sécurité Sociale, une indemnisation complémentaire.

La majoration de rente ou de capital :

L'article L.452-2 du Code de la Sécurité Sociale prévoit que la rente, ou le capital, payé(e) à la victime seront majorés.

Cette mesure est d'autant plus favorable à la victime que son taux d'incapacité fixé par la sécurité sociale est élevé.

La majoration est payée à compter de la date de consolidation, ce qui donne parfois lieu au paiement d'arrérages.

Les postes de préjudice listés par le Code de la Sécurité Sociale :

L'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale prévoit l'indemnisation :

- des souffrances physiques et morales
- du préjudice esthétique
- du préjudice d'agrément
- de la perte de chance de promotion professionnelle

Les postes de préjudice supplémentaires :

Suite à une question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise, le Conseil Constitutionnel a rendu le 18 juin 2010 une décision n°2010-8, aux termes de laquelle il a formulé une réserve d’interprétation concernant l’article L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale :

« 18. Considérant, en outre, qu'indépendamment de cette majoration, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit peuvent, devant la juridiction de sécurité sociale, demander à l'employeur la réparation de certains chefs de préjudice énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; qu'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ».

Dans le communiqué de presse accompagnant cette décision, le Conseil Constitutionnel précisait qu'il appartiendrait aux juridictions de sécurité sociale de vérifier au cas par cas si les préjudices subis par une victime sont ainsi réparés.

La question du périmètre des « dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale » pouvant donner lieu à indemnisation en plus des postes de préjudice défini par l'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale a, dans les années qui suivirent, donné lieu à un débat juridiques, et à de nombreuses décisions au fond contradictoires.

Au terme d'une jurisprudence considérée par les défenseurs des victimes d'accidents comme extrêmement restrictive, la Cour de Cassation a pour l'instant choisi de considérer qu'un dommage donnant lieu à une prestation payée au titre du livre IV du Code de la Sécurité Sociale, même pour un montant minime, doit être considéré comme « couvert » et ne pouvant donner lieu à indemnisation complémentaire.

Ainsi, outre ceux cités par l'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale, La Cour de Cassation a, à ce jour, estimé que seuls peuvent donner lieu à indemnisation les postes de préjudice suivants :

- les frais d'aménagement du logement et d'un véhicule adapté en raison du handicap (Cass. Civ 2ème, 30 juin 2011, pourvoi n°10-19475) ;

- le préjudice sexuel, qui comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle, et doit désormais être apprécié distinctement du préjudice d'agrément (Cass. Civ 2ème, 4 avril 2012, pourvois n°11-14311 et 11-14594) ;

- le déficit fonctionnel temporaire qui inclut, pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique (Cass. Civ 2ème, 4 avril 2012, pourvois n°11-14311 et 11-14594) ;

- la tierce personne avant consolidation : assistance d'une tierce personne pendant la maladie traumatique (Cass. Civ 2ème, 20 juin 2013, pourvoi n°12-21.548)


Il est à noter que c'est à la sécurité sociale qu'il revient de faire l'avance des indemnités allouées à la victime.

Cette dernière n'a donc pas à craindre les conséquences d'une liquidation judiciaire de son employeur ou les frais et délais inhérents à l'exécution forcée d'une décision de justice.

Il est à noter que contrairement à la victime d'un accident de droit commun, la victime d'une faute inexcusable de l'employeur ne peut réclamer de dommages et intérêts, devant la juridiction de sécurité sociale, pour les préjudices suivants (liste non exhaustive) :
  • perte de revenus (salaire, retraite...) pendant l'arrêt de travail et après la consolidation ;
  • incidence professionnelle (s'agissant de la pénibilité au travail, et du retard de carrière essentiellement) ;
  • préjudice scolaire
  • besoin en aide humaine (tierce personne), après consolidation ;
  • déficit fonctionnel permanent.

La réparation de la perte de l'emploi :

Par un arrêt de principe en date du 17 mai 2006, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a jugé que lorsqu’un salarié a été licencié en raison d’une inaptitude consécutive à une maladie professionnelle qui a été jugée imputable à une faute inexcusable de l’employeur, il a droit à une indemnité réparant la perte de l’emploi due à cette faute de l’employeur.

Cette indemnité est appréciée souverainement par la juridiction prud'homale, qui est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif au licenciement.

La Cour de Cassation ajoutait, le 26 janvier 2011, que cette indemnisation « ne fait pas obstacle à la réparation spécifique afférente à l'accident du travail ayant pour origine la faute inexcusable de l'employeur par la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale qui n'a pas le même objet ».

Ainsi, la victime d'une faute inexcusable de l'employeur, lorsqu'elle a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude physique, ce qui correspond malheureusement à la majorité des cas, va devoir, pour parvenir à la meilleure indemnisation possible de son préjudice, cumuler une procédure devant les juridictions de sécurité sociale avec une procédure prud'homale.

Jusqu'en 2015, elle ajoutait que le préjudice spécifique résultant d'une perte sur les droits à la retraite, consécutif au licenciement, doit être pris en compte (Cass. Soc. 26 octobre 2011, pourvoi n°10-20991).

Cependant, par arrêt du 9 janvier 2015, la Chambre mixte de la Cour de Cassation est revenue sur cette jurisprudence, en des termes très clairs :

« la perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude, est couverte, de manière forfaitaire, par la rente majorée qui présente un caractère viager et répare notamment les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente partielle subsistant au jour de la consolidation ;

Que la cour d'appel a donc décidé à bon droit que la perte subie par M. X... se trouvait déjà indemnisée par application des dispositions du livre IV, de sorte qu'elle ne pouvait donner lieu à une réparation distincte sur le fondement de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ».


vendredi 10 avril 2015

Une recherche de reclassement de moins de 3 jours au sein d’un groupe d’envergure nationale est précipitée, et le licenciement pour inaptitude doit être considéré comme abusif (Revue des décision 2015 du cabinet)

Une secrétaire présente un grave état dépressif, suite à un conflit au travail. 

Elle est placée est arrêt maladie durant 3 années, après quoi une pension d’invalidité 2ème catégorie lui est attribuée.

Elle demande une visite de reprise auprès du médecin du travail, qui conclut  : « Inapte définitivement à tout poste dans l'entreprise pour danger immédiat selon l'article R.4624-31 du code du travail. Pas de 2e visite  ».

48 heures plus tard, son employeur débute une procédure de licenciement pour inaptitude.

Devant le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY, puis la Cour d'Appel de PARIS, nous avons fait valoir que  :


1/ L'invalidité du salarié ne dispense pas l'employeur de faire une recherche de reclassement

Il ne faut pas confondre l'attribution d'une pension d'invalidité de deuxième catégorie par la CRAMIF et une inaptitude au travail.

Le cumul d'une pension d'invalidité et d'un salaire est d'ailleurs autorisé (articles R.341-14 et suivants du Code de la Sécurité Sociale).

D'ailleurs, par un arrêt du 9 juillet 2008, la Cour de Cassation a jugé que  :

«  le classement d'un salarié en invalidité 2e catégorie par la sécurité sociale, qui obéit à une finalité distincte et relève d'un régime juridique différent, est sans incidence sur l'obligation de reclassement du salarié inapte qui incombe à l'employeur par application des dispositions du code du travail  » (Cass. Soc. 9 juillet 2008, pourvoi n°07-41318).

L'employeur n'était donc pas dispensé d'une recherche de reclassement.


2/ La recherche de reclassement au sein du groupe

Lorsqu'il est informé du placement en invalidité 2ème catégorie d'un salarié, l'employeur doit, après la visite de reprise, engager une recherche de reclassement  :


Cette recherche doit être faite au sein du groupe auquel l'employeur appartient.

Dans notre dossier, l'employeur prétendait avoir fait en 48 heures une recherche au sein de la douzaine de filiales du groupe. 

Nous nous sommes permis d'émettre des doutes à ce sujet, d'autant plus qu'aucune preuve de cette recherche n'était produite, au motif qu'elle aurait été cette par téléphone (!).


3/ Un licenciement précipité

La Cour de Cassation a jugé que le fait pour l'employeur que ne consacrer qu'une seule journée à une recherche de reclassement compte tenu de sa dimension nationale et du nombre d'emplois qu'elle représentait, ne suffit pas à caractériser une recherche de bonne foi (Cass. Soc. 29 mai 2013, pourvoi n°11-20074).

Dans notre dossier, la Cour d'Appel est allée dans le même sens, et a considéré que l'employeur ne justifier pas d'une recherche de reclassement sérieuse et conduite de bonne foi.



L'employeur a donc été condamné à payer à notre cliente la somme de 35 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais aussi 5037 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 503,70 euros au titre des congés payés.


Pour commander une copie de cette décision :

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jeudi 29 janvier 2015

Faute inexcusable de l'employeur : Nouvelles précisions sur les contours de l'indemnisation des victimes

La Cour de Cassation poursuit son travail de précision sur les modalités d'indemnisation des victimes d'une faute inexcusable de l'employeur, au travers de trois décisions récentes :


1/ La rechute de l'accident du travail initial doit faire l'objet d'une indemnisation

La Cour d'Appel de Paris avait déclaré une victime irrecevable à réclamer à la fois l'indemnisation du préjudice de l'accident du travail initial et celui d'une rechute de cet accident.

Cela était particulièrement dommageable puisque cette rechute correspondait à une réelle aggravation des séquelles de l'accident, mal évaluées initialement par les médecins.

Par un arrêt tout récent du 22 janvier 2015, dont nous avons la fierté de dire qu'il s'agit d'un de nos dossiers, la Cour de Cassation a jugé que :

« qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, l'indemnisation complémentaire à laquelle la victime a droit, s'étend aux conséquences d'une rechute de l'accident du travail initial ».




2/ Les frais d'assistance par un médecin lors de l'expertise sont d'un poste de préjudice à part entière

Lors de l'expertise médicale, il est absolument indispensable pour une victime d'être assistée par un médecin conseil spécialisé, qui pourra défendre au mieux son dossier.

Jusqu'à présent, ces frais d'assistance étaient globalisés par les juridictions dans le remboursement alloué au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Compte tenu des (souvent) faibles montants alloués, la victime gardait de fait à sa charge une partie de ces frais.

Par un arrêt du 18 décembre 2014, la Cour de Cassation a jugé que les frais d'assistance par un médecin lors des opérations d'expertise, « qui sont la conséquence directe de l'accident du travail, ne figure pas parmi les chefs de préjudice expressément couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale, ce dont il résulte qu'ils ouvrent droit à indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de l'employeur ».


Comme il y a lieu de le faire en droit commun, il est désormais de la responsabilité des avocats spécialisés de former une demande spécifique d'indemnisation pour ces frais, dont il y a tout lieu de penser qu'ils seront dorénavant intégralement remboursés.



3/ La perte de droits à la retraite ne donne pas droit à indemnisation

Depuis un arrêt du 17 mai 2006, la Cour de Cassation estime que «  lorsqu’un salarié a été licencié en raison d’une inaptitude consécutive à une maladie professionnelle qui a été jugée imputable à une faute inexcusable de l’employeur, il a droit à une indemnité réparant la perte de l’emploi due à cette faute de l’employeur ».

Elle avait eu l'occasion de rappeler que dans ce cadre, le préjudice spécifique résultant d'une perte sur les droits à la retraite, consécutif au licenciement, doit être pris en compte (Cass. Soc. 26 octobre 2011, pourvoi n°10-20991).

Or, par un arrêt du 9 janvier 2015, la chambre mixte de la Cour de Cassation, réunissant, la deuxième chambre civile, la chambre sociale, et la chambre criminelle, a jugé que :

« Mais attendu que si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation de chefs de préjudice autres que ceux énumérés par le texte précité, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;



Et attendu que la perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude, est couverte, de manière forfaitaire, par la rente majorée qui présente un caractère viager et répare notamment les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente partielle subsistant au jour de la consolidation ;

Que la cour d'appel a donc décidé à bon droit que la perte subie par M. X... se trouvait déjà indemnisée par application des dispositions du livre IV, de sorte qu'elle ne pouvait donner lieu à une réparation distincte sur le fondement de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; »



Il semble malheureusement que cette jurisprudence marque un recul pour l'indemnisation des victimes de la faute inexcusable de l'employeur.


À ce jour, il semble donc que seul le licenciement pour inaptitude résultant de l'accident ou de la maladie professionnelle donne droit à une indemnisation spécifique.

mardi 30 décembre 2014

Revue des décisions 2014 du cabinet / Faute inexcusable de l'employeur : doigts écrasés lors d'une manutention par un salarié dont ce n'est pas le métier, et qui n'a reçu ni formation ni matériel adapté

Un agent de conduite de la société CURMA se voit demander, avec deux de ses collègues, de transporter les 28 centrales de filtration d'air de l'usine, qui devaient être remplacées.

Tandis qu'ils étaient occupés à descendre l'une d'elles, pesant environ 100kg, par un escalier, elle leur échappait. Notre client essayait de la retenir, et deux de ses doigts étaient écrasés entre la machine et la bordure d'une marche.

Son taux d'incapacité était fixé à 11 %, pour « séquelles d'un traumatisme des 3ème et 4ème doigts de la main droite consistant en douleurs et raideur chez un droitier ».

Il a fait valoir que cet accident avait pour cause la faute inexcusable de son employeur.

Plaidant devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY, nous avons soulevé que le travail de manutention demandé à ce salarié n'entrait pas dans ses fonctions d'agent de conduite. De ce fait, son employeur devait être particulièrement vigilant sur les conditions dans lesquelles elle il leur demander de travailler, et leur sécurité.

Tel n'a malheureusement pas été le cas, puisque la société CURMA n'a donné aucune instruction ou information particulière aux salariés, et n'a pas évalué les risques encourus.

Aucun matériel adapté, qu'il s'agisse d'une aide mécanique ou d'accessoires de préhension, n'a été mis à leur disposition.

En leur donnant pour instruction de manipuler des centrales de filtration d'air, lourdes machines qui n'étaient équipées d'aucune poignée, et d'emprunter pour ce faire les escaliers de l'usine, la société CURMA a fait courir à ses salariés un risque, à l'origine de l'accident du travail.


Par jugement du 29 avril 2014, le Tribunal a reconnu la faute inexcusable de l'employeur, reprenant entièrement notre argumentation.

Pour obtenir cette décision

Revue des décisions 2014 du cabinet / Faute inexcusable de l'employeur : Projection d'un fragment de métal dans l'œil d'un salarié, qui n'a reçu ni protection ni formation

Sur un chantier, un manœuvre a reçu pour instruction de dessouder les deux extrémités d'une rampe d'escalier, puis de la remonter.

En frappant une cheville métallique avec un marteau, un morceau de métal s'est détaché et a pénétré son œil gauche.

Après un long arrêt de travail, son taux d'incapacité était fixé à 30 %, pour une baisse très importante de l'acuité visuelle de l'œil gauche après lésion par corps étranger.

Il a soulevé la faute inexcusable de l'employeur.

Devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS, nous avons fait valoir que l'employeur n'avait jamais prodigué aucune formation à ce manœuvre, et ne lui avait donné aucun équipement de protection individuelle, pourtant obligatoire pour des travaux de soudure et d'installation de rampes métalliques l'exposant à des risques de projections de particules ou morceaux métalliques au niveau du visage.

Par jugement du 8 avril 2014, le Tribunal nous a donné gain de cause :

« la société BMS METAL ne pouvait ignorer le risque de projection de particules ou morceaux métalliques au niveau du visage et aurait dû fournir à Monsieur B. un système de protection pour son visage lors de la réalisation de soudure et d'installation de rampes métalliques.

Faute de l'avoir fait et d'avoir mis en place des dispositifs de prévention des risques en la matière, elle a exposé Monsieur B. a un risque particulier pour sa santé et sa sécurité et n'a pas mis en place les mesures visant à prévenir la survenue de l'accident.

Dans ces conditions, Monsieur B. démontre que son employeur est l'auteur d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident survenu le 20 juillet 2011. »

Pour obtenir cette décision